janvier 1607.
C’est tranquille. Presque trop tranquille. Mais ça fait du bien. Alors Malva ne se pose pas de questions plus que ça. Profite du convoi pour décompresser.
Se ressourcer. Elle n’a passé que quelques jours à la Citadelle. Pour régler quelques affaires liées à la Confrérie, mais aussi et surtout pour épauler Estrid. Les leçons, elles continuent d’ailleurs encore au sein de la caravane. Car il y a toujours des choses à dire quand il s’agit du Rêve. Quand il s’agit d’apprendre. Estrid a fait le choix de suivre sa propre voie et d’apprendre sur le terrain, et c’est un choix très intéressant. Mais risqué. Car il lui reste encore beaucoup à assimiler. À intégrer. Alors Malva, quand elle le peut, elle va à sa rencontre. Et elles profitent de trajets comme ce convoi pour partager, encore et encore.
Voilà plusieurs jours qu’elles sont sur les routes. Qu’elles ont quitté la Citadelle pour longer la forêt d'Ervengues. Le temps file à une vitesse folle, et devant tous les sujets qu’elle aurait aimé aborder avec Estrid, elle accélère le rythme. Enonce. Interroge. Corrige. Jusqu’à ce qu’elle juge l’apprentissage correct et qu’elle passe au chapitre suivant. C’est épuisant. Tant pour elle que pour Estrid. Mais c’est le prix à payer si elle veut progresser.
Alors Malva ne comprend pas les signes. Ne porte aucune attention à son étalon qui piaffe et qui parait plus agité qu’à l’accoutumée. Elle parle, Malva. Elle ne fait que ça. Trop captivée par ses propres pensées. Trop obnubilée par tous les détails qu’elle se doit d’intégrer. Alors quand les Raïs jaillissent dans son champ de vision, c’est tout son corps qui se raidit et son cœur qui tambourine dans sa poitrine. Elle est tétanisée, Malva. Propulsée hors de sa leçon et catapultée dans la réalité.
Des Raïs. Des cris qui retentissent dans l’assemblée. La panique qui se propage comme une trainée de poudre. L’étalon de Malva s’affole quand un Raïs jaillit à côté de lui, il fait une embardée sur le côté et se sépare donc du reste du groupe et d’Estrid. «
ESTRID ! » Mais elle n’a pas le temps d’ajouter quoi que ce soit car son cheval se cabre. Malva a beau se cramponner, elle perd tout de même l’équilibre et tombe à la renverse. Sa tête se cogne lourdement contre le sol, et elle voit soudainement trouble. Du coin de l’œil elle discerne son cheval qui s’enfuit, mais elle est bien trop sonnée pour intervenir. Quand elle réussit à reprendre ses esprits, c’est pour pousser un hurlement de terreur en apercevant la silhouette du Raïs qui fond sur elle. Mais le Destin semble être de son côté, car il est rapidement abattu par un combattant qui passait sur son chemin.
Malva reste de longues minutes au sol, partagée entre l’affolement et la confusion. Elle finit par se redresser bien après que le combat soit terminé, encore choquée. Du sang coule le long de sa tempe droite, mais elle l’ignore. Elle se déplace, hagarde, parmi les rescapés.
Des Raïs. Un frisson dans le dos qui lui hérisse l’échine. Ils ont rasé son village, massacré toute sa famille… Elle leur voue une haine féroce, autant qu’ils lui font une peur bleue. Même encore maintenant. Une femme qui hurle de douleur quand elle passe à côté d’elle. Qui lui attrape la main et qui lui demande de l’aide.
Ressaisis-toi. C’est un ordre. Malva cligne des cils, sortant de sa torpeur. Elle se penche vers la femme et se concentre pour soigner ses blessures. Elle enchaine plusieurs personnes, heureusement avec des blessures superficielles. Avant de finalement discerner la silhouette d’Estrid. «
Estrid ! Elle s’arrête à ses côtés, reconnaissant en même temps Maud en face d’elle.
Vous allez bien ? » Visiblement Maud s’en sort avec une plaie légère au bras. Tant mieux. Et Estrid ?