Réunion au sommet - Feat Nelis

Trois apprentis étaient présentés ce jour au conseil de la guilde et, pour la première fois depuis qu'il l'avait rejoint, il n'avait pu présider. Son équilibré était fissuré depuis quelques jours et, s'il n'y avait pas eu la cérémonie de ce soir, il aurait sellé son cheval la veille et se serait engouffré dans la nuit pour rejoindre Tintiane. Il avait bien reçu la missive l'enjoignant de venir rencontrer le rêveur en charge de la confrérie, mais les terribles nouvelles concernant sa sœur avaient embrasé son âme. Disparue. Des traces de lutte dans sa chambre. Une traînée de sang au son, puis plus rien. Disparue. Evaporée avec son ou ses assaillants. Alors, il partirait, sitôt l'ahn-ju terminé. La chance sembla être en sa faveur lorsqu'une seule apprentie fut présentée pour l'ahn-ju, une jeune femme semblant tout juste sortie de l'adolescence mais qui dégageait une furieuse aura de puissance. En d'autres circonstances, il se serait porté volontaire, d'autant plus qu'il appréciait le maître marchombre qui l'avait accompagnée mais il avait à faire. Aussi, lorsqu'elle s'éloigna avec les trois marchombres responsables de son épreuve et qu'ils s'avanouirent dans les escaliers menant aux cavernes sous la salle du conseil, il se retira avec ses collègues dans la salle cachée derrière le pan de mur en pierres froides. Il pouvait lire dans les yeux des marchombres la concentration qu'il était habitué à y lire et l'un d'eux pris la parole. Regroupant ses forces, il prit une profonde inspiration et leur avoua, à demi mots. « Ma sœur a disparu. Je pars pour Tintiane immédiatement. Vous le savez, je ne vous en parlerais pas si les rêveurs ne craignaient que les mercenaires soient impliqués dans l'enlèvement. » Et c'était vrai. La nature même de ce qu'ils étaient l'avait poussé à une discrétion infinie concernant cette affaire mais il ne pouvait leur cacher pareil événement. S'il ne savait pas exactement quel cercle avait atteint sa sœur dans la confrérie, les rêveurs étant presque aussi secrets que les marchombres, il n'ignorait pas qu'elle siégeait à un poste important et si les mercenaires étaient impliqués, alors, il était important qu'ils soient au courant. Mais son équilibre menaça chanceler une fois encore et il raffermit l'étreinte de sa mâchoire autour des hurlements qui ne demandaient qu'à sortir et souffla. Il allait tirer cela au clair, c'était certain.

Il discerna dans leur regard ce qu'il redoutait et l'inquiétude qu'il y lisait ne fit que raffermir sa volonté. Il devait partir. Maud eut à son égard l'attitude exacte qu'il attendait d'elle et il en fut immensément touché. Qu'elle souhaite, sans plus se poser de questions l'accompagner dans son malheur, l'aider à trouver des réponses n'était pas sans émouvoir le maître marchombre qui lui adressa un signe de la tête. Cependant, il ne pouvait le permettre. Alors qu'elle semblait déjà prête à prendre le large, il déclara «  C'est adorable de ta part, mais je ne peux accepter. Merci pour votre temps, je vous ferait parvenir des nouvelles par un dessinateur dès que je pourrai. » Il s'effaça dans la salle derrière eux et fit un signe de la tête vers Maud. « Je vais avoir besoin de quelqu'un, ici, et si tu veux m'aider, je crois que j'en aurais bien besoin. » Il y avait longuement réfléchi, en attendant l'heure où le conseil se réunirait et à présent que c'était le bon moment, il était sûr de lui. Si Lilya avait vraiment été enlevée, comme le craignaient ses collègues rêveurs de Tintiane, alors il devait y aller. Mais tout était envisageable et quelqu'un devait rester à Al-Jeit, au cas où elle reviendrait ici pour solliciter son aide. Il ne pouvait être à deux endroits en même temps, et si Maud le voulait vraiment, elle pouvait l'aider. « J'ai peur que ma sœur ait été enlevée par quelqu'un que nous connaissons bien, et si c'est le cas, peut-être parviendra-t-elle à s'enfuir. Si cela devait arriver, elle ne pourrait que venir se cacher ici, ou dans une autre confrérie. J'ai avertis Ondiane, mais il faut que quelqu'un de confiance reste dans le coin pour guetter des nouvelles de ses déplacements. » Il sortit de sa poche une vieille clé en métal, qu'il lui tendit. « Elle est déjà venue me voir chez moi, alors, si jamais tu dois passer quelques nuits par ici, tu accepterais d'y faire un détour ? » Il trépignait à l'idée du temps qu'il avait déjà perdu mais il savait qu'il était essentiel que quelqu'un puisse rester dans la capitale à la recherche d'éléments montrant qu'un rêveur était passé dans le coin.