Incognitos [Malva]
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PV: Malva
C’était une expérience étrange que de parcourir des rues où, des centaines de pas auparavant, vous vous étiez perdu en n’étant personne. Au rythme des pas de ses gardes qu’il tentait de maintenir à une distance qui n’éveillerait pas les soupçons – sérieusement les gars, soit vous restez chez vous, soit vous me suivez de loin – le seigneur dûment couronné d’Al-Vor retraçait au rythme des souvenirs presqu’émus ses errances dans sa ville natale. Il avait été soldat, personne, une lance et une armure et un casque rabattu sur les yeux sous la pluie diluvienne d’hiver et dans la lourdeur d’été ; un anonyme à qui on jetait quelquefois un regard de travers, qu’on accusait de tous les torts du monde sans se douter de son ascendance un seul instant.
Et putain, que ça faisait du bien.
Tourner à gauche, prendre la ruelle au lieu de l’artère principale, elle est encombrée à cette heure. Tout en se glissant comme s’il n’était qu’un pégus de plus dans une ville imprenable, Artair Hil’ Muran aux traits si oubliables bénissait la capacité des gens à ne se souvenir que de celleux laissant une trace dans leur vie. C’était, après tout, comme ça qu’il réussissait encore à s’octroyer après plus de deux ans de gestion de la cité – il ne parlerait jamais de règne – quelques instants d’innocence. Passe par le jardinet pour rejoindre l’entrée secondaire – attention aux crocus, imbécile. Son pas cadencé sur les dalles de terre cuite embourbées par la pluie récente invoquait le battement d’un coeur à son esprit éclairé. Il toqua trois fois, offrant un sourire ne souffrant aucun refus à la matrone en charge de l’orphelinat des quartiers ouest – ne souffrant aucun mot, également. Elle avait l’habitude de le voir sur le pas de sa porte.
« Indiquez-moi où je peux me rendre utile aujourd’hui, Eylan. » Laissa échapper le trentenaire en retirant sa cape pour l’abandonner à côté de celles, un peu plus vives, des trois personnes étant présentes ce jour sur le site. Si le tissu des leurs était un peu plus grossier, peut-être un peu plus ancien, on ne pouvait décemment pas déclarer d’office que la cape abandonnée là était celle d’autre chose que d’un des gardes qui venait régulièrement patrouiller la haute bâtisse.
A la limite, c’était celle d’un garde haut gradé, fort bien payé. « Et laissez entrer les trois nigauds qui vont toquer dans quelques minutes, si ça ne vous gêne pas. Ils savent ce qu’ils doivent faire ici… Mais vous pouvez les envoyer rempoter vos fleurs, si jamais. » conclut-t-il avec un sourire en coin.
Avec tout ça, on ne verrait presque pas la bourse changer de main, entre deux respirations, tandis que la maîtresse des lieux menait le maître de ces terres jusqu’à une salle commune. Elle insista quelques pas durant sur l’importance des dons, du soutien de l’état – toujours infaillible, je vous en assure une fois encore l’avait rassuré son interlocuteur – avant de comprendre que, ce jour encore, il n’y aurait pas moyen de se glisser un peu plus dans le fond de ses poches déjà fort profondes.
Quelques enfants, les plus jeunes, se jetèrent à moitié dans les jambes du soldat qu’ils reconnaissaient. Pour une fois, ils n’étaient pas entièrement seuls dans la grande pièce grouillante de vie : une jeune femme inconnue au bataillon se trouvait déjà là, lui volant presque la vedette.
Après avoir promis deux histoires, un câlin volé par une jeunette qu’il avait presque vue grandir, et un lapin tout défoncé réparé avec un simple nœud resserré, Artair trouva le courage de s’approcher de la seule adulte de la pièce… Hormis lui-même, évidemment. « Voilà bien longtemps que l’on n’a pas vu de personne venir s’occuper d’eux, par ici, nota-t-il d’une voix délicate. J’arrivais à penser que je serai seul aujourd’hui encore. »
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Les rires qui ricochent entre les murs. Qui teintent et qui réchauffent les cœurs. Ce qu’il est bon de voir des enfants rire. De voir qu’ils sont heureux. Légers. Qu’ils retrouvent un semblant de l’innocence qui leur a été pour la plupart cruellement arrachée. Ces éclats de bonheur à l’état pur sont aussi rares qu’ils sont précieux. Aussi bienfaisant qu’ils sont fugaces. Ils ne durent jamais assez longtemps. Arrivent toujours quand on ne les attend pas. Mais ils ont le pouvoir de perdurer dans le temps. De redonner un peu d’espoir. Un peu de sens à cette vie trop injuste. Trop brutale. Trop insaisissable. Trop misérable. Il ne fait pas bon de vivre dans un orphelinat. Qu’importe ce que tous en disent. Certes, on est logés, on est nourris. Mais peut-on vraiment dire que l’on est choyés ? Dormir et manger sont essentiels pour survivre, certes. Mais l’amour d’une famille est essentiel pour vivre. Pour bien se développer. Pour grandir de la meilleure des manières. Pour préserver le plus longtemps possible cette innocence si précieuse.
Et à défaut d’avoir une famille contre qui se lover chaque soir, et bien pour aujourd’hui, ils auront Malva. Malva avec ses rires qui illuminent la pièce. Avec ses paroles qui réchauffent les cœurs. Avec ses caresses qui apaisent les âmes. Elle est l’une d’entre eux. Une malmenée par la vie, dont la jeunesse a été arrachée sous les coups de la violence, de la misère et de la peur. Elle a dû grandir très vite. Trop vite, aussi, probablement. Et ça a laissé des traces. Un gouffre au plus profond de son cœur et des cicatrices qui ne peuvent guérir. Qui suintent sans cesse pour mieux lui rappeler son passé et toutes les épreuves qu’elle a dû endurer. Plus jamais. C’est ce qu’elle s’est souhaitée après le massacre. Après qu’ils aient été envoyés dans ce lugubre orphelinat d’Al-Poll et que l’enfer continuent. Plus jamais, elle ne resterait inactive et passive face à la souffrance. Face à la misère. Face à la détresse. Elle a embrassé la voie des Rêveurs pour ça. Pour pouvoir agir. Pour pouvoir aider.
Et même si ce n’est qu’une question d’heures. Même si ce n’est que poudre aux yeux et illusion de ce que l’amour a à leur offrir, et bien au moins, pour ces quelques heures, et bien ça paraitra réel. Elle est épuisée, Malva. De cet après-midi où elle n’a pas arrêté. À peine arrivée à Al-Vor qu’elle s’est empressée de remplir ses obligations, pour ensuite profiter de son peu de temps libre à visiter cet orphelinat. Les enfants souffrants ont été alignés en rang d’oignon, et ont été guéries les uns après les autres. Et il y en avait beaucoup. Comme d’habitude. Parce qui se soucient des pauvres petites âmes en perdition ? De cette vermine qui pullule et inonde les villes ? Personne. Ou presque. Une silhouette qui entre dans la salle. Un homme qui semble être un habitué des lieux et qui tout de suite fait sensation dans la pièce. Certains enfants se lèvent pour aller le saluer. Pour réclamer des câlins. Ou simplement qu’il effleure leurs petites têtes aux cheveux emmêlés. Malva ne lui porte qu’une attention distraite, trop occupée par tous ces enfants qui tournent autour d’elle et qui sont demandeurs d’attention. Ils ne seront pas assez de deux pour les soulager. Pour les apaiser. Pour leur faire passer une bonne journée et pour leur redonner un peu d’espoir et foi en l’humanité. Il finit par l’approcher et par entamer la conversation. «
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Le prince de ces lieux, régent des âmes de la cité – de qui se moquait-il ? – était à peu près certain de se trouver être, dans la pièce, l’un de ceux ayant le plus d’intérêt et de sympathie pour ces pauvres gamins malmenés. Il connaissait celle à la tête de l’orphelinat, placée là à peine neuf mois plus tôt pour s’éviter une sombre histoire de mariage bafoué et une réputation galvaudée. Il l’avait tenue dans ses bras et lui avait offert l’échappatoire, la planque, derrière les plus épais murs de la Ceinte. Il lui avait offert l’asile loin de ce mari qui n’aurait divorcé pour rien au monde et continuait de la tromper, qui faisait sa vie à part et lui refusait toute aide – tout en traînant son nom dans la boue, pourquoi se priver ? La petite dame de noblesse avait perdu son nom et s’était cachée, planquée sous les austères colifichets d’une matrone aigrie en espérant ne jamais revoir la terre qu’elle avait désertée. Et elle était douce, aimante et aimable, mais elle aimait l’argent et le bien-paraître plus que les enfants dont elle avait la charge. Pas un sou de fibre maternelle en elle : la plupart du temps, elle était tout simplement larguée. Pas méchante, non, jamais. Juste totalement perdue.
Et pourtant jamais Artair ne regrettait ce choix-là. Aurait-il trouvé mieux s’il avait cherché plus loin ? Sans doute. Les enfants auraient-ils attendu ? Clairement que non. C’était un compromis acceptable entre ça et la rue, les horreurs d’une ville où couraient un peu trop de murmures sanglants pour une sûreté qu’on croyait acquise. Alors il avait choisi, et ce choix l’arrangeait sans doute… mais aucun des enfants ne semblait en souffrir, et c’était là le plus important. Ca n’avait pas été toujours le cas, avant.
Tirant un tabouret à une distance respectable de la jeune dame, le seigneur attrapa la brosse désignée avant de pointer son crâne. « N’ai-je pas l’air expert en tresses ? » fit-il remarquer, mortellement sérieux… Avant d’éclater de rire, une poignée de secondes plus tard. En effet, lorsqu’on était libre, l’on pouvait rire à ses propres plaisanteries sans que le regard d’une cour entière ne pesât sur vous et ne vous réduisit en un objet d’études curieuses et de convoitises. « C’est tout aussi charitable de votre part de vouloir venir leur tenir compagnie et de vous occuper d’eux, nota le seigneur en costume d’homme – à moins qu’il ne s’agisse d’un homme au masque de seigneur. Ces petites crapules ont bien besoin d’une compagnie autre que les vieilles filles qui s’occupent d’elles… Ne le répétez pas, hein ? »
La dernière partie de sa phrase s’adressait autant aux petites qu’à la grande inconnue. Le ton volontairement joueur cachait la nervosité d’un homme sachant qu’il n’avait, au final, que peu d’importance dans leur vie. Il ne pouvait pas les adopter tous et toutes ou leur ouvrir son château : sa famille venant régulièrement en résidence lui foutrait sans nul doute un contrat sur la tête s’il s’avisait de faire ne serait-ce qu’un ersatz de changements dans les pièces silencieuses de la demeure ceinte. Alors il donnait, donnait sans discontinuer, tout ce qu’on le laissait donner.
Une petite s’installa près de lui (comprendre : s’agrippa à son bras pour lui demander s’il voulait bien lui faire des tresseuh avant de se poser fort élégamment devant lui, et de lâcher un « Bah moi c’est Tair qui me fait mes tresses et voilà, z’êtes jalouses ! »
Ce qui fit rire ledit Tair, déjà occupé à peigner les longs cheveux fins. « Donc je m’appelle Tair, si jamais vous vous posiez la question, mademoiselle. Et je fais de superbes tresses. J’ai pris l’habitude de passer dans les orphelinats de la ville dès mon entrée dans la garde, en réalité. Sans pouvoir dire que je comprends… L’attachement particulier que vous pourriez y avoir, j’ai juste… Il n’y a aucune noblesse à laisser l’autre dans le besoin ou malheureux, et si l’on peut faire quelque chose pour… autant le faire, non ? »
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Est-ce qu’il a l’air expert en tresses ? Dans un premier temps, Malva parait perplexe. Sérieusement perplexe et dubitative. Parce qu’il faut le reconnaitre, l’homme n’a pas un cheveu sur le caillou. Enfin si, il en a, mais ils sont tellement rasés courts qu’au final… Oui, elle se permet de douter de son niveau de qualification. Quoi que s’il vient régulièrement dans cet orphelinat, ou s’il a lui-même eu une sœur, une femme, ou encore une fille… Disons qu’il a pu se faire la main sur les autres. Il doit lire sa confusion dans son regard, car un rire léger passe la barrière de ses lèvres. Scellant la réponse à sa question. Quand bien même il n’a rien d’un expert, il se prête en tout cas au jeu, car il attrape la brosse qu’elle lui a pointé du doigt. «
C’est qu’elle en vient même à pouffer de rire, Malva. Quand il parle des vieilles filles qui occupent cet orphelinat. Les autres petites filles autour d’eux en font de même, quoi que eux explosent carrément de rire. Du genre bruyant et pas du tout subtile. Mais ce sont des enfants, alors… Qui pourrait bien s’en formaliser ? Tous les regards se portent vers lesdites vieilles filles qui somnolent dans un coin de la salle et qui ne se doutent de rien. Avant que d’un commun accord tous les enfants ne finissent par reporter son attention vers Malva qui se recroqueville et approche sa tête des leurs comme si elle avait un secret brulant à leur dire et qu’elle voulait les mettre dans la confidence. «
Ainsi donc, il s’appelle Tair. Ou tout du moins, c’est ce qu’elle en déduit alors qu’une petite fille prend place devant lui afin de se faire brosser les cheveux. Ils vont donc pouvoir juger du réel niveau de Tair en matière de tressage… Le regard jubilatoire et le sourire pétillant qu’elle porte à sa rencontre quand elle s’assoir suffit à lui faire passer le message silencieux. Le défi qui est lancé sans même avoir à l’énoncer. Il ajoute qu’il fait partie de la garde. Indice quant à qui il est qu’elle accepte volontiers. «
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PV: Malva
La brosse sursauta légèrement lorsque l’inconnue mentionna une sœur. Derrière les iris fixes d’Artair, aussi impénétrables que pouvait l’être la Ceinte, des souvenirs se mirent à danser en chamboulant toutes les pensées soigneusement orchestrées que le seigneur y avait pourtant infusé. Son aînée en robe qui courait, à quatre, cinq, dix ans, les cheveux au vent parce que la tresse que lui a fait son frère ne tient rien. Un ruban s’envolant avait fini sur la figure du pauvre petit, qui s’était ensuite acharné à bien le nouer durant plusieurs dizaines de minutes.
Les tresses sages de l’enfant modèle que l’on portait aux nues, que l’on portait au trône, bien hautes, presque plaquées au crâne. Les tresses où le diadème de l’héritière – plus un jeu qu’une véritable couronne – tenait sans problème.
Les lourdes nattes à trois branches de chaque coté du visage de la Seigneuresse de la ville alors qu’elle accueillait à sa table un membre de la garde. Les silences sans fin ponctués d’anecdotes sans réelle saveur, parce qu’il fallait être ensemble, qu’il fallait que passe le deuil.
Les dernières tresses, les plus belles, les plus sophistiquées et les plus complexes, portées comme un rappel de sa jeunesse alors qu’on allait la mettre en terre.
Il avait une sœur, Artair, qui portait des tresses.
Durant quelques secondes, combattant les images, il resta coi. Cela n’entacha en rien sa détermination ou son envie de coiffure, pas plus que sa bonne humeur, car il y avait des années que l’évocation d’un membre de sa famille décédée ne l’empêchait plus de fonctionner comme le reste du monde. Le fait que les gamins reprennent en coeur, dans un bruissement à peine perceptible, le mégères le tira complètement loin des souvenirs – après tout, ils n’étaient que ça. Des souvenirs.
Le présent était infiniment plus doux, pour y vivre.
« Tintiane est pourtant loin, s’étonna le coiffeur d’un jour tout en nattant avec délicatesse la petite devant lui. Al-Vor voit plus vos condisciples d’Ondiane, pour être honnête. Même ceux qui comme vous parcourent Gwendalavir ne font guère escale parmi nous. Ou alors, ils ne se font pas connaître. »
Et, en tant que maître des lieux, il était plutôt bien placé pour savoir qui entrait et sortait de la ville aux murs trop épais (ni les âmes, ni les soupirs, ni les plaintes. La bastide était imprenable, impénétrable et imperméable.)
Ses doigts agiles fixèrent les deux simples tresses, portées haut sur le crâne de la petite, avec des rubans qu’il avait à portée de main et qui provenait sans nul doute d’une de ses précédentes visites. Les couleurs rappelaient trop celles de la seigneurie – mais, à la décharge d’un homme aussi peu chauvin que pouvait l’être un seigneur, la moitié des objets à la disposition des orphelin.es de l’endroit arboraient les mêmes couleurs. « Tu veux autre chose, puce ? Plus de tresses ? »
La petite fila en rigolant, agitant sa tête, à peine la seconde tresse terminée. Elles tinrent le choc jusqu’à ce qu’elle soit hors de vue. « Je prends ça pour un non, souffla Artair avec un petit rire. Ravi de savoir que notre orphelinat n’est pas le pire que vous ayez pu croiser. Il y a eu du travail, au cours des trois dernières années… Même auparavant, cela dit. Entre lui et celui à… Ah, comment s’appelle... » Il claqua des doigts en pleine réflexion, deux fois. Il s’apprêtait à le faire une troisième lorsque la voix de Cyra fusa dans son esprit.
Il n’y eut jamais de troisième claquement – un homme destiné à régner ne se laissait jamais aller à de telles simagrées lorsqu’il réfléchissait. « Il en existe un second, un peu plus au sud encore, toujours sous la juridiction d’Al-Vor. Si jamais vous y faites escale, vous y serez aussi bien accueillie qu’ici. L’endroit tend à tomber en désuétude car nous y avons bien moins d’enfants, mais… Ceux qui naissent loin de la cité ne peuvent pas forcément y venir de suite. »
S’attelant à son second tressage, sur une petite plus calme, il demanda. « Comment est-ce, les routes ? Le reste du monde ? Je suis affecté à Al-Vor depuis ma naissance. Hormis mon éducation du côté d’Al-Chen, je n’ai jamais mis les pieds vraiment… Ailleurs. Je combats pour elle. »
Et sous l’homme vêtu comme un soldat on ne devinera jamais le politique perdu, le seigneur aux stigmates de couronne. « Aussi n’ai-je jamais vu grand-chose du monde, mis à part peut-être l’océan… Il y a… Quelques années, je l’avoue. On ne sort pas aisément de la Ceinte si on y a sa place. » (Pris dans une toile d’araignée)
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